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Les enjeux du droit à la déconnexion dans l’entreprise
La place croissante et le développement des outils numériques au sein des entreprises ont pour conséquence de faire évoluer l’organisation et les modes de travail.
Pour s’adapter à ces nouvelles réalités, le législateur est intervenu en instaurant dans le Code du Travail un droit à la déconnexion (Loi 2016-1088 du 8 août 2016).
Un droit instaurant une coupure vie professionnelle / vie privée
Le droit à la déconnexion est le fait pour le salarié de pouvoir ou de devoir rester injoignable en dehors de son temps de travail, c’est-à-dire le droit de ne pas être connecté à un outil numérique professionnel, tel que les mails. Ce droit concerne donc les périodes de repos et de congés du salarié, et de manière plus générale, les temps au cours desquels le salarié n’est pas encore ou n’est plus au travail.
Quels sont les salariés concernés par le droit à la déconnexion ?
Ce droit imposant des obligations pour l’employeur concerne l’ensemble du personnel. Cependant certaines catégories de salariés requièrent une vigilance particulière en raison de l’organisation spécifique de leur travail, notamment les salariés en forfait jours. En effet, dans la pratique ils sont souvent amenés, par exemple, à consulter leur messagerie électronique de façon régulière en dehors de leur temps de travail. C’est pourquoi les accords mettant en place les conventions individuelles de forfait jours doivent définir les modalités selon lesquelles le salarié peut exercer son droit à la déconnexion. A défaut d’une telle disposition dans l’accord, c’est la convention individuelle de forfait qui devra le prévoir.
De plus, le document unique d’évaluation des risques professionnels doit identifier les postes les plus à risques.
Les obligations pesant sur l’employeur
Les entreprises doivent donc obligatoirement respecter le droit à la déconnexion des salariés, en définissant les modalités de son exercice dans un accord, ou à défaut dans une charte. Effectivement, depuis le 1er janvier 2017, ce droit à la déconnexion fait partie des sujets soumis à la négociation obligatoire dans l’entreprise, puisqu’il a été intégré aux thèmes de la qualité de vie au travail et de l’égalité professionnelle. L’accord devra définir la mise en place de dispositifs de régulation de l’utilisation des outils numériques. A défaut d’accord résultant de la négociation, l’employeur devra mettre en place une charte, après consultation des instances représentatives du personnel. Cette dernière devra prévoir la mise en œuvre d’actions de formation et de sensibilisation à un usage raisonnable des outils numériques.
Il est à noter que l’ordonnance 2017-1385 du 22 septembre 2017 a prévu qu’un accord collectif majoritaire peut désormais aménager la périodicité de la négociation et le contenu des thèmes.
Quels sont les risques pour l’employeur, s’il ne respecte pas le droit à la déconnexion ?
Le non-respect de l’obligation de négociation est condamné pénalement à un an d’emprisonnement et à une amende de 3750 euros.
En dehors du domaine pénal, une obligation de sécurité pèse sur l’employeur. Cette obligation implique pour l’employeur de prendre des mesures de prévention et de mettre en place des actions en cas de manquements à la protection de la santé physique et mentale des travailleurs.
De plus, les conséquences peuvent être lourdes en matière de non-respect du temps de travail et des repos. En effet, des amendes de 750 euros et de 1500 euros pour chaque infraction au repos quotidien et au repos hebdomadaire sont prévues.
Droit à la déconnexion et astreintes dissimulées
Les risques sont d’autant plus importants puisque le fait pour un salarié de rester joignable en permanence peut être assimilé à la définition de l’astreinte. Selon l’article L3121-9 du Code du travail, l’astreinte est une période au cours de laquelle le salarié, sans être sur son lieu de travail, est à la disposition permanente et immédiate de l’employeur, et doit être en mesure d’intervenir pour accomplir un travail au service de l’entreprise.
Or la durée de l’intervention constitue un temps de travail effectif, et l’ensemble de la période d’astreinte doit donner lieu à une contrepartie financière ou à un repos.
Les juges ont donc la possibilité de considérer qu’une période où le salarié doit rester joignable correspond à un temps d’astreinte. La Cour de Cassation a notamment condamné un employeur à verser une indemnité de plus de 60 000 euros dans une affaire où un salarié ayant un poste à responsabilité devait rester joignable en dehors de son temps de travail et intervenir en cas d’urgence (Cass. Soc, 12 juillet 2018, n°17-13029).
La Chambre sociale de la Cour de Cassation avait déjà estimé qu’un salarié n’est pas tenu de travailler à son domicile, ni d’y installer ses dossiers et ses instruments de travail (Cass. Soc, 2 octobre 2001, n°99-42727). De même, le fait de ne pas pouvoir être contacté en dehors de ses horaires de travail sur son téléphone portable n’est pas constitutif d’une faute de la part du salarié (Cass. Soc, 17 février 2004, n°01-45889).
Ainsi, les entreprises doivent être vigilantes quant au respect du droit à la déconnexion. En dehors du respect des obligations légales, il est également judicieux d’établir un plan d’action dans l’entreprise en établissant un bilan des pratiques internes sur ce sujet, puis en définissant des solutions adaptées, afin d’écarter tout risque de violation du droit à la déconnexion des salariés.
Mathilde LACOINTE
In Extenso Social